Jeanne, Jean et le manque de pluie

Des primevères pour le début du printemps et pas une goutte de pluie pour étancher la soif de tous ces végétaux qui ne demandent qu’à sortir. Ils ne demandent qu’à s’épanouir et à renaître dans les jardins de Jeanne et Jean qui prennent la mesure de la catastrophe écologique qui s’annonce brutale en 2023. Pas d’eau et pas de régénération pour la nature qui ne demande qu’à repartir. Hier, Jeanne a tondu sa pelouse pour le premier jour du printemps. Elle dit : je t’aime Jean en pensant à ces pâquerettes qu’elle avait coupées et qui ne seront pas encore butinees. Mais elles repousseront bientôt, pense-t-elle. Les coucous sont de sortie mais on en reparlera demain. Pour l’instant, elle aime son Jean qui le lui rend bien. Il écrit des poèmes en cachette qu’il publiera plus tard. Des poèmes avec Jeanne pour étendard. On verra après ce qu’il en fait. Wait and see comme on dit…

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Jeanne et Jean, leur île

Jeanne et Jean, leur amour c’était leur île. C’était leur zone de ravitaillement. Maintenant qu’ils s’étaient vus par zoom interposé, il ne leur restait plus qu’à le concrétiser. Oui mais ce n’était pas pour tout de suite ? Tout de suite, c’était la fuite. C’était la fuite dans le débit d’eau ? C’était la fuite dans leurs chapeaux. Ils étaient en route pour une nouvelle suite dans les idées. Un pont à franchir les y aiderait. Ils n’avaient plus qu’à sortir pour éviter la neurasthenie. Ils étaient dans la suite à donner à leur île et leur mentor les y aiderait. Ils attendaient du pape de la cyberlittérature qu’il leur donne une clé pour percer… mais de clé il n’y a point. Il y a juste des passes et des passe-partout à franchir avec alacrite. Ils étaient libres à présent, libres de remplir leur île avec enjouement.

Jeanne et Jean, leur ombre

Jeanne et Jean devaient se fier à leur ombre pour passer devant. Passer devant quoi me direz-vous ? Eh bien passer devant le rouge de leur honte de ne pas avoir tout lu. Ils n’ont rien avalé, rien bu et rien lu depuis quelques jours. Il faut qu’ils retrouvent leurs lectures. Que lisent-ils désormais ? Tous deux se sont mis à Rabelais chacun de leur côté. Cela leur fait un point commun. Comme ceci, ils s’enchantent à peu de frais. Ils pensent à la retraite qu’ils n’auront jamais. C’est si précieux pourtant la retraite à soixante ans. Ce n’est pas très légal tout ça de revoir son billet d’entrée vers le fascisme. La réforme de la retraite est un billet d’entrée vers le fascisme et se traduira par une vociferation populaire. Une vociferation qui rend Jeanne et Jean accablés par l’état de l’Etat qui n’en n’a que faire de l’état de la population. Ils se recroquevillent sur eux-mêmes et ne font pas état de leur accablement. Ils rentrent dans leur ombre et dans leur rouge larmoyant.

Jeanne, Jean et la nostalgie

Jeanne et Jean ont la nostalgie de Carhaix, là où ils se sont rencontrés. C’était à un festival et tous deux n’avaient pas goûté la musique qui s’était jouée. Ils s’étaient jetés un coup d’œil furtif et Jean avait joué son rôle de prestidigitateur, son rôle de grand hypnotiseur. Jean est un hypnotiseur patenté et il avait réussi à la capter. Vingt ans plus tard, il la capte toujours encore. Il avait à peine fallu vingt ans pour qu’ils se retrouvent sur la toile. Ces deux solitaires étaient en passe de prêcher dans le désert la parole qui les rendrait moins solitaires. Leur célibat était de bon aloi mais ils étaient en passe de le perdre. Encore deux ou trois ans, encore trois ou cinq ans, encore un peu de délai avant de se déclarer forfait sur le marché du célibat ? Encore trois ou cinq mois avant de faire leur première apparition en dehors de toute rencontre fortuite. Tous deux étaient fortuits et comptaient sur la serendipite pour se rencontrer de nouveau. Jean usera-t-il de son charme de prestidigitateur ? Jeanne usera-t-elle de son prestige pour l’ensorceler ? Tout ceci ne devrait pas manquer de charme. En attendant, ils vivaient dans leurs rêves…

Le froid n’est pas mordant

Le froid n’est pas mordant ce matin. Jeanne a même entendu les oiseaux du printemps chanter. Mais point encore de coucou. Il lui faudra un sou dans sa poche et entendre le coucou pour espérer la prospérité. Le coucou s’insinue en tout. Il s’immisce dans les nids et délogent les petits. Penser à ne pas tailler les haies pour laisser prospérer les nids, les petits et les oiseaux adultes. Pour l’instant, il n’y a pas de nid. Enfin Jeanne ne croit pas. Elle aussi doit préparer son nid pour accueillir Jean. A moins que ce ne soit le contraire. Ils ont des nids à préparer pour mieux s’accepter. Et ils s’y prennent deux ans à l’avance, à moins que ce ne soit six, sept ou huit ans à l’avance. Tout ce que je peux dire, c’est qu’ils ne sont pas en retard et qu’ils fabulent un peu sur leurs sentiments. Un coup je t’aime et un coup je t’aime moins… seuls eux savent où ils en sont. Ils le gardent pour le creux de leur nid et leur nid, c’est leur lit…

Jeanne, Jean et le concret

Jeanne et Jean avaient du mal avec le concret. Ils s’en remettaient à l’abstrait pour s’aimer autant qu’ils le pouvaient. Ils s’aimaient dans l’absolue infinitude du temps. Le temps était-il long et qu’est ce qu’était cette éternité si convoitée ? Ils entraient dans l’éternité avec leur poésie ? Rien n’est moins sûr. Encore faut-il la découvrir et le temps long les y aiderait. Ils entraient dans leur phase : je veux du temps long pour me reconnaître dedans. Je veux du temps long et rien ne sera comme avant. Je veux du temps long pour me regarder dedans. Je veux du temps long pour assouvir le monde. Assouvissons le monde, se disaient-ils, assoiffés de pouvoir et de puissance. Ils sont partis faire un quart de tour sur eux-mêmes et reviennent à l’oblique pour continuer à être abstraits. Ils s’en remettent au Covid pour continuer à être sincères. Après tout, c’est grâce au Covid qu’ils s’étaient retrouvés sur les réseaux sociaux. Et rien ne serait plus comme avant. Je t’aime Jean. Je t’aime Jeanne Ils en parlaient à tout bout de champ… et ce bout de champ, c’était mon impression et ma dissertation.

Jeanne et Jean, leur passage

Jeanne et Jean se seraient-ils réciproquement retournés sur leur passage ? Ils l’ont fait à Carhaix mais rien n’est moins sûr désormais. Ils se seraient retournés sur leur poésie qui ne les laisse pas indifférent. Là, ils devaient commencer un passage vers la vieillesse et s’inventer un rituel qui sierait à leur vie monacale. Et ce rituel, c’était ce je t’aime qu’ils s’envoyaient dans les airs chaque matin et chaque soir comme un rite qui les prenait au saut du lit. Ce je t’aime, c’était toute leur vie qui se jouait dedans et cela les conditionnait pour longtemps. Leurs esprits et leurs âmes s’accordaient pour un bon moment. Je t’aime, une formule qui les rapproche si souvent et qui les met de bonne humeur pour longtemps.